Deux compréhensions de la probabilité
De trois à deux compréhensions
On commence par mettre de côté la compréhension énumérative de la probabilité : on dispose d'une population finie d'individu sur laquelle tous les attributs sont connus exhaustivement.
→ il ne sera plus question ici de cette compréhension, limitée à la possibilité d'exercices de compte.
On retiendra ensuite un classement des concepts de probabilité très simplifiée en deux compréhensions.
Les deux compréhensions
Existent dès l'émergence et se poursuivent (et se complexifient) ensuite
Visibles chez les philosophes des sciences et chez les mathématiciens/statisticiens
Différentes terminologies
Desrosières : subjective vs objective
Celle qu'on utilise ici → Hacking: épistémique vs fréquentiste
Bibliographie :
Hacking I. L'émergence de la probabilité. Editions du Seuil, Paris, 2002. (Traduction de The emergence of probability. Cambrigde University Press, Cambridge, 1975.)
Desrosières A. La politique des grands nombres. La Découverte, Paris, 1993.
probabilité épistémique : degré de croyance, éventuellement garanti par des éléments de preuves
probabilité fréquentiste : tendance des dispositifs aléatoires à produire certains résultats avec des fréquences stables
Deux compréhensions dès l'émergence de la probabilité
Par exemple chez les jansénistes de Port-Royal
Trois personnages ont écrit La Logique de Port-Royal (1662)
Blaise Pascal (1623-1662), auteur des Pensées (1670)
Antoine Arnauld (1612-1694)
Pierre Nicole (1625-1695)
Probabilité fréquentiste: calculs introduits par Arnauld
Probabilité épistémique et « Pari de Pascal »
Chez Pascal, a des moments différents de sa vie, on trouve ces deux compréhensions.
Deux compréhensions chez Blaise Pascal
Probabilité fréquentiste
Période mondaine
Problème des paris (1654) posé par le chevalier de Méré
lorsqu'on lance plusieurs fois deux dés, combien faut-il de coups au moins pour qu'on puisse parier avec avantage que, après avoir joué ces coups, on aura amené [double six]
Probabilité épistémique dans la Logique de Port-Royal
Démonstration : Le pari (épistémique) de Pascal
Contribue à l'apologie divine
Pascal n'emploie jamais le mot « probabilité »
Paru dans les Pensées (1670) mais résumé dans La Logique de Port-Royal (1662)
Les prémisses du pari
Aucune preuve ni réfutation scientifiques de l'existence de Dieu n'est valide
Les preuves métaphysiques sont si éloignées du raisonnement humain et si compliquées qu'elles sont sans force
Il n'y a que deux situations
Il n'y a pas de Dieu
Il y a un Dieu et c'est celui qui est prôné par l'Église
Il y a trois niveaux de démonstrations selon trois notions définies par Pascal
1. Dominance: une décision est meilleure que toute autre, quelle que soit la situation
Situations \(S_1\), \(S_2\), ...
Actions \(A_1\), \(A_2\), ...
Utilité d'accomplir \(A_j\) dans la situation \(S_i\): \(U_{ij}\)
\(A_j\) est dominante sur toutes les autres actions si \(\forall S_i\), \(U_{ij} > U_{i(- \bf{j})}\)
Deux autres niveaux non abordés ici
2. Espérance
3. Espérance dominante
Décision selon la dominance
Si Dieu existe
Parier sur sa non-existence conduit à la damnation
Parier sur son existence conduit au salut
Si Dieu n'existe pas, les deux actions conduisent à un même résultat
Le salut est préférable à la damnation
\(\Rightarrow\) l'existence de Dieu domine sa non-existence
Deux compréhensions chez les philosophes des sciences
Carnap : \(proba_1\) et \(proba_2\) puis probabilité inductive (épistémique) et probabilité statistique (fréquentiste)
Russell : crédibilité (épistémique)
Popper : propension
Bibliographie :
Carnap R. Logical foundations of probability. Chicago: University of Chicago Press, 1950.
Russel B. Human knowledge: its scope and limits. Londres: Allen & Unwin, 1948.
Popper K. The propensity interpretation of probability. British Journal of the Philosophy of Science 1959:10, 25-42.
Deux compréhensions chez les math/stat
Poisson (1837) et Cournot (1843) : chance vs probabilité
Probabilité fréquentiste → Von Mises, Kolmogorov, Neyman, Venn, Fisher
Probabilité épistémique → deux écoles
Objective : relation logique entre hypothèse et données: \(p(h|d)\) est le degré auquel \(d\) implique \(h\) (Jeffreys, Keynes)
Subjective : question de jugement personnel (Ramsey, Savage, de Finetti)