GOFFMAN Erving
Les rites d’interaction
Minuit, coll. « Les sens commun », 231 p.
La vie sociale est un théâtre dans lequel les acteurs jouent le rôle qui leur est imparti.
Que nous entrions dans un magasin pour acheter quelque chose, que nous assistions à un film dans une salle de cinéma, que nous ayons rendez-vous avec notre amoureux, que nous ayons une entrevue avec notre patron, que nous assistions à un hold-up, que nous traversions la chaussée, nous avons à donner aux autres une certaine représentation de nous-mêmes.
Ce livre nous montre que, lorsque nous sommes trop en deçà ou au-delà de ce qu'exige notre rôle, nous courons de grands risques : quelquefois la pièce est ratée : tel ce hold-up au cours duquel la caissière d'un magasin, au lieu de lever les bras, pointe un pistolet qu'elle avait pris dans son tiroir sous le nez de son agresseur. Elle avait complètement failli au rôle qui lui était imparti dans l'action et avait fait le contraire de ce qui était prévu. Le gangster n'eut plus qu'à sortir à reculons prudemment, les deux acteurs se menaçant mutuellement de leurs armes.
Témoin aussi cet automobiliste qui, insulté par un agent de police qui lui demandait ses papiers, se mit à l'insulter à son tour, à le menacer et à se montrer tellement agressif que ce fut l'agent de police qui capitula, referma son carnet et lui dit de circuler. Enfin, ceux qui s'écartent trop du texte sont accueillis dans les hôpitaux psychiatriques.
Il s'agit d'une véritable « sociologie des circonstances ». L'organisation sociale en est le thème central, et la matière est faite de rencontres de personnes entrant en interaction.
D'où le titre « Rites d'interaction » puisque les rencontres entre individus observent presque toujours des rites. L'auteur étudie tour à tour les problèmes que posent la tenue, le vêtement, la déférence, les règles de bienséance, le vocabulaire dont on se sert, le détachement ou dont on peut faire preuve dans une situation donnée. Il étudie ensuite les différents lieux de l'action (la scène sur laquelle on joue) : lieu public ou privé, appartements, casinos, magasins, automobiles, etc., et jusqu'aux prisons.
Par Claude Vielfaure,
« Les rites d’interaction d’Erving Goffman », Communication et langages, n°24, p.123, 1974.
L’auteur
Erving Goffman (1922-1982) est un sociologue et un linguiste étasunien, d’origine canadienne. Il est avec Hoxard Becker l’un des principaux représentants de l’Ecole de Chicago qui, à partir des années 1940, réunit une deuxième génération de chercheurs qui se consacre plus à l'étude des institutions et des milieux professionnels.
Erving Goffman s'écarte assez vite des méthodes dites quantitatives et statistiques pour privilégier l'observation participante. Il prend une part active au courant de l’interactionnisme symbolique, mais son travail ne se réduit pas à une analyse interactionniste. La notion d'interaction prend une place très importante dans son œuvre et en particulier la notion de « perdre la face ».
Dans La présentation de soi, Goffman décrit la vie sociale comme une scène de théâtre avec des acteurs, leurs publics et les coulisses de ce théâtre, lieu où les acteurs peuvent « se rattraper » si l'impression donnée n’est pas positive.
Cette méthode est utilisée depuis peu, et cela intéresse ce programme, par les anthropologues qui travaillent sur les Gnawa.